L’étude du fonctionnement et de la structure des grandes zones de cisaillement, ainsi que de leur évolution dans l’espace et dans le temps est primordiale car elles accommodent la majeure partie de la déformation dans la croûte intermédiaire, la croûte inférieure et également dans le manteau supérieur.
La zone de cisaillement du Mertz (MSZ ; longitude 145°Est, Antarctique) s’est révélée être un objet clé pour étudier la localisation de la déformation. La MSZ se situe sur la bordure Est du craton néoarchéen-paléoprotérozoïque de Terre Adélie (TAC) et le sépare d’un domaine granitique Paléozoïque à l’Est. Les études précédentes suggèrent que cette structure décrochante représente la continuité de la zone de cisaillement de Kalinjala (KSZ, Sud de l’Australie) avant l’ouverture de l’océan Austral. Les roches à l’affleurement indiquent que cette structure a été formée dans la croûte intermédiaire en contexte transpressif dextre à 1.7 Ga.
La structure de la MSZ a été étudiée depuis l’échelle du terrain jusqu’à l’échelle du micromètre. L’analyse des structures de terrain indique que la déformation paléoprotérozoïque est principalement accommodée par des zones de cisaillement localisées qui sont extrêmement anastomosées au niveau de la MSZ et qui deviennent plus éparses au sein du TAC. Les microstructures et les orientations préférentielles de réseau (OPR) des minéraux (quartz, feldspaths, biotite, amphibole et orthopyroxène) de la MSZ montrent des caractéristiques communes interprétables en terme de conditions, de cinématique et de régime de la déformation qui se distinguent de celles observées dans les boudins tectonique du TAC. Ces derniers montrent, quant à eux, des microstructures et OPR qui révèlent une variété de mécanismes de déformation développés lors de leur formation à 2.5 Ga.
L’étude sismologique (fonctions récepteurs et anisotropie des ondes SKS) permet d’apporter de nouvelles données pour la cartographie des structures profondes de la MSZ, du TAC et du domine paléozoïque. Les résultats des fonctions récepteurs indiquent que la croûte est épaisse d’environ 40 à 44km sous le TAC, 36km à l’aplomb de la MSZ et 28km dans le domaine paléozoïque à l’Est. L’analyse de l’anisotropie des ondes SKS suggère que la structuration du manteau sous le craton (Φ≈N90°E, δt=0,8-1,6s) est différente de celle sous le domaine paléozoïque (Φ≈N60°E, δt=0,6s). Ainsi, la MSZ constitue la frontière entre ces deux lithosphères ayant des épaisseurs crustales et une structuration du manteau différentes.
Enfin, l’étude géochronologique (U-Pb sur zircons et monazites) révèle que le socle du domaine à l’Est de la MSZ présente des âges et une histoire géodynamique différents du TAC. Les âges hérités archéens et paléoprotérozoïques sont similaires à ceux des terrains situés à l’Est de la KSZ au Sud de l’Australie, confirmant ainsi la connexion entre les zones de cisaillement du Mertz et de Kalinjala. De plus, les âges paléozoïques des zircons hérités et métamorphiques et la position géographique des affleurements à l’ouest de la chaîne Transantarctique suggèrent que les échantillons étudiés sont issus d’une marge passive anté-Gondwana formée au sein d’un bassin arrière arc ouvert dans la croûte continentale juste avant la collision de Ross à ≈514-505Ma.
Ainsi, cette étude permet de préciser l’évolution géodynamique à l’Est de la MSZ, et d’apporter de nouveaux éléments pour la connexion avec les terrains du Sud de l’Australie. Par ailleurs, cette thèse souligne l’importance de l’héritage tectonique dans le développement des zones de cisaillement avec, dans le cas de la MSZ, la présence de structures héritées archéennes, ainsi que des processus de localisation de la déformation au sein des lithosphères cratoniques au moins depuis le Paléoprotérozoïque.