Ethnographie d’une base scientifique en Antarctique
Le projet est centré sur les processus de structuration de la vie sociale et sur la constitution d’une culture spécifique, celle d’une microsociété relativement isolée d’acteurs. Il cherche à définir les formes de socialité et de culture engendrées, c’est-à-dire la nature des relations que les individus tissent entre eux, dans une situation si particulière. Ce projet pluridisciplinaire mêle les compétences de l’anthropologie, de l’histoire, de la psychologie cognitive et des sciences de l’information et de la communication. Son originalité est de chercher à analyser la manière de « faire société » pour des acteurs en nombre restreint et relativement isolés du reste du monde. Dans le cadre de la perception de l’espace et du temps bien particulière impliquée par de rares communications avec l’extérieur, et des communications probablement rapidement ritualisées entre ces acteurs, le groupe de ces derniers construit progressivement son identité à travers un ensemble de rituels, dont les rites concernant la commensalité ne sont pas les moindres.
A cette fin, nous étudierons de manière très concrète divers aspects des situations quotidiennes : périodes des repas, moments festifs, contacts épisodiques avec les collègues, les amis et la famille qui donnent lieu à des postures et à des communications dont les formes et les contenus présentent d’importantes spécificités. Ces dernières impactent les perceptions du temps et de l’espace de la part des acteurs, ainsi que leurs relations de pouvoir autres que celles de la hiérarchie institutionnalisée. Seule une ethnographie fine permettra de montrer si ces acteurs « font » société et sous quelle forme, ainsi que l’éventuel devenir d’une telle société après la mission.
Le projet sera mis en œuvre sur la base de Dumont d’Urville et des îles Kerguelen. La méthodologie employée sera celle de l’observation participante in situ d’un chercheur durant 2 mois en début de campagne et 1 mois en fin de campagne durant les 2 premières années, la troisième année sera consacrée à la rédaction du rapport de recherche.
Les applications concrètes de cette recherche seront de deux ordres :
– D’une part, nous souhaitons apporter à l’IPEV une contribution en lui fournissant des éléments détaillés sur la vie quotidienne et les processus de construction identitaire qui se tissent dans cette configuration particulière de façon à mieux comprendre ces modes de vie, à mieux anticiper ou résoudre certains problèmes liés à la cohabitation de personnes issues de milieux sociaux et culturels différentes.
-D’autre part les résultats de cette recherche pourraient toucher l’organisation de vols spatiaux de longue durée appelés à se développer à l’avenir, comme celle d’explorations sous-marines à de grandes profondeurs menées par des petits groupes, et pour de courtes périodes, au sein de caissons pressurisés à cet effet, ou encore des situations de cohabitations subies, comme dans le cas des déplacements de populations, camps de réfugiés , ou tout simplement dans le cas de cohabitation de groupes d’origines diverses dans les grands centres urbains etc.
Au-delà des problèmes proprement techniques posées par ces types d’expériences, ce sont d’importants problèmes humains qui se posent avec acuité à ces occasions.