Mieux contraindre l’évolution du bilan de masse et l’évolution récente du climat et du cycle hydrologique en Terre Adélie et à l’île d’Amsterdam via l’apport des isotopes de l’eau
Quantifier les flux de neige et de vapeur d’eau à la surface de l’Antarctique ainsi que les liens avec les variations climatiques constitue un enjeu majeur pour les projections climatiques et l’évolution de l’organisation du cycle hydrologique dans cette région. Cependant, de larges incertitudes subsistent. D’une part, la quantité de précipitation neigeuse est difficile à estimer à cause de l’influence du vent, ce phénomène étant particulièrement important dans les régions côtières à cause des forts vents catabatiques. D’autre part, il est très difficile d’estimer la part des échanges directs avec l’atmosphère (sublimation/condensation) à cause de la dynamique mal connue de la couche limite (présence de neige soufflée, de sursaturation, impact de la turbulence…). Enfin, les variations climatiques sur les dernières dizaines à centaines d’années sont souvent mal documentées à cause du manque d’instrumentation dans cette région.
La mesure des isotopes de l’eau sur des carottes courtes de neige ou de glace en Antarctique est actuellement un des meilleurs outils pour reconstruire la variabilité climatique (température, accumulation) en l’absence de mesures instrumentales. En effet, à cause de l’appauvrissement en isotopes lourds des masses d’eau lors de la distillation des basses vers les hautes latitudes, il est possible de lier les variations de températures saisonnières et interannuelles aux variations de composition isotopique. Cependant, la composition isotopique de la neige est sensible à de nombreux autres effets lors de la formation et déposition de la neige (effet de fractionnement cinétique, ré-évaporation) ainsi qu’après sa déposition (diffusion, sublimation et dépôt de givre). Si ces effets rendent plus complexe l’interprétation directe des isotopes de l’eau en termes de variations de température du passé, ils permettent aussi d’obtenir d’autres informations sur les conditions de déposition de la neige et les flux de vapeur d’eau à la surface des calottes de glace.
Dans le cadre de ce projet, nous proposons d’effectuer des mesures isotopiques à la fois dans la vapeur d’eau, dans les précipitations, dans la neige soufflée et dans la neige de surface sur la base de Dumont d’Urville avec un suivi continu en été et en hiver. Les mesures isotopiques complèteront les mesures effectuées sur les instruments LIDAR, RADAR et pluviomètre en place sur cette station pour mieux caractériser les processus et flux liés au cycle de l’eau sur toute la colonne atmosphérique et à l’interface neige – vapeur atmosphérique. Les mesures isotopiques seront combinées à des mesures chimiques obtenues sur le long terme dans le cadre du projet CESOA (et de sa suite à partir de 2020) pour comprendre la signature des arrivées d’air marin ainsi que l’influence de la glace de mer et permettront d’interpréter plus finement les enregistrements chimiques et isotopiques des carottes de glace et neige courtes issues du récent projet ASUMA en Terre Adélie. Finalement, le déploiement d’un système parallèle de mesures isotopiques de surface à la station Antarctique de Dôme C à la même période permettra d’estimer la fonction de transfert isotopique entre la côte et le plateau Est Antarctique et une meilleure interprétation des profils isotopiques de la carotte profonde de Dôme C.
Enfin, ce projet intégrera une part importante de modélisation grâce au modèle atmosphérique régional MAR déjà largement appliqué pour la Terre Adélie et pour lequel l’implémentation des isotopes de l’eau est en cours.
Pour en savoir plus sur les mesures isotopiques dans la vapeur d’eau sur l’île d’Amsterdam rendez-vous sur l’île aux mesures :