Stratégies adaptatives et dynamique spatio-temporelle des populations de prédateurs marins face aux changements rapides de leur environnement
Dans le cadre des changements globaux attendus, il est urgent d’appréhender le devenir des écosystèmes et de la biodiversité qu’ils hébergent. L’étude des conséquences des fluctuations environnementales sur les traits phénotypiques des organismes, ainsi que celle des stratégies adaptatives et de la dynamique des populations qui en découle, sont fondamentales. Grâce aux suivis à long-terme électroniques (Observatoires du Vivant de l’évolution des écosystèmes) et/ou télémétriques des manchots (royal, Adélie et empereur) et des océanites de Wilson des archipels subantarctiques et antarctique de Crozet, Kerguelen et Pointe Géologie (Antarctique), le projet 137 a pour principal objectif la compréhension des processus écologiques et évolutifs qui façonnent les populations, et notamment les capacités d’adaptation des organismes face aux contraintes de leur environnement. Nous nous intéressons donc à la plasticité phénotypique et aux mécanismes microévolutifs, deux processus par lesquels les traits phénotypiques au sein d’une population sont capables de s’ajuster aux changements du milieu. Nous disposons maintenant de bases de données sans équivalent sur les manchots, car sans le biais du baguage alaire nous avons des informations sur leurs principaux traits d’histoire de vie à l’échelle des populations (e.g. 22 cohortes pour un total de 13000 individus suivis sur plus de 20 ans chez le manchot royal). Cela nous permet par exemple d’étudier les liens entre la variabilité environnementale (naturelle et anthropique) et la survie, la phénologie, et les performances reproductrices et de recherche alimentaire des différentes cohortes d’individus, selon leur âge, leur statut ou expérience, leur qualité, ou d’autres traits phénotypiques (morphologiques, physiologiques et comportementaux ; traits dont la plasticité et l’héritabilité sont aussi étudiées). Le développement de dispositifs de suivis automatisés par caméras HR et de véhicules radiocommandés va en outre permettre de comprendre comment les colonies se structurent, c’est-à-dire comment les couveurs se localisent en fonction de leur histoire individuelle et des différentes contraintes environnementales (structure sociale, parasitisme, prédation, conditions météorologiques locales, etc., mais aussi contraintes phylogénétiques). Cette structuration, ainsi que la diversité et les flux génétiques entre les colonies et archipels, sont également étudiés via l’utilisation de techniques moléculaires innovantes. La dynamique spatio-temporelle des populations est donc traitée à différentes échelles, de la colonie aux écosystèmes. A l’interface entre l’écologie évolutive, la génétique et la dynamique des populations, le projet 137 favorise le développement de modèles mathématiques globaux. Ces derniers permettent de comprendre les liens existants entre les modifications survenant dans l’environnement et les trajectoires spatio-temporelles de ces populations. Les modèles prédictifs obtenus nous informent sur l’évolution de la composante biologique de l’océan Austral et nous permettrons à terme de mettre en place des stratégies de conservation et de gestion durables de la biodiversité et des ressources naturelles.